Tour des Annapurnas : Besi Sahar – Marpha par le col de Thorung La (5416m). 12 jours de marche, en autonomie

Cet article est un billet d’humeur. Si vous cherchez des infos, allez sur ces liens :


Me voilà revenu la civilisation, en ayant rempli l’objectif que je m’étais fixé, à savoir réaliser le tour des Annapurnas et franchir le col de Thorung La (5416m), sans aide.

A vrai dire, la seule inquiétude portait sur les effets que pourraient avoir l’altitude sur l’organisme. Certaines personnes supportent bien, d’autres moins bien. J’ai essayé de minimiser les risques en tenant compte de toute les recommandations liées à l’acclamation : pas plus de 500m de dénivelé positif au delà de 2500m, boire beaucoup d’eau (4l/j), monter plus haut dans la journée que l’altitude a laquelle on va dormir.
Je n’ai eu comme symptômes que de légers maux de têtes, sur les heures du matin.


Alors est ce que faire le tour des Annapurnas vaut le coup ? Oui, sans hésitation. C’est un parcours magnifique, peu exigent, et bien que couvert en grande partie par une piste carrossable, encore assez sauvage.
Plusieurs éléments font de ce parcours, un trek unique :

L’évolution des paysages. Le point de départ est très bas (800m), et a cette altitude, c’est la forêt tropicale. Rapidement, on évolue dans des rizières en terrasses, puis on progresse à travers des gorges vertigineuses. A partir de 2500m (4e/5e jours) les flancs des vallées se couvrent de forêts de pins. Vers 3500m (7e jour), il ne subsiste que de petits arbustes. Et au delà de 4500m (9e jour), ce n’est plus que roches et poussières. La neige n’est présente que vers 5700m, c’est à dire plus haut que je ne suis allé.

– Les villages. Les vallées népalaises, tropicales, subissent l’influence hindoue depuis environ 1500 ans. Les villages sont très colorés en façade, mais assez sales, pas finis et hétéroclites (les cabanes en bois cohabitent avec les maisons en béton). Il est fréquent d’avoir des amas de gravas, de briques et de denrées alimentaires (riz, patates, chou), pêle-mêle au milieu de la chaussée. Plus on monte dans les vallées, plus l’influence tibétaine est forte. A partir de 2500m, tous les villages présentent des caractéristiques tibétaines (mur de moulins à prières, chorten, portique, mur mani, drapeaux de prière sur les toits des maisons,…). Les villageois ne sont plus des hindous, mais des bouddhistes tibétains. Les propriétaires de lodges sont, par contre, encore originaire de la vallée de Katmandou. Les plus beaux villages sont donc dans le nord des vallées : Brakha, Manang et Pisang dans la vallée de la Mirsyangdi, Muktinath, Kagbeni, Jarkhot, Tiri et Marpha dans la vallée du Mustang.

tour des Annapurnas Manang
Rue de Manang, sur son versant sud

– les Montagnes. Sur le tour des Annapurnas, les premiers sommets enneigés se font extrêmement désirer. Le premier n’apparaît qu’au 4ème jour de marche, et ce n’est pas celui que l’on s’attend à voir en premier (Manaslu). Les Annapurnas II et III ne surgissent du paysage qu’après 5 ou 6 jours, et encore, ils sont souvent cachés par les nuages. Mais leur apparition provoque une attirance irrépressible. Imaginez : on progresse dans le creux de vallées dont le fond est compris entre 2000 et 3500m, et le sommet autour de 4500-5500m. Des collines donc. Et au delà, alors que les premiers versants sont déjà impressionnants, surgissent des sommets presque 2 fois plus hauts, des monstres de roche et de neige. Tellement haut qu’on en a mal au coup. La vallée delà Kali Gandaki, au Mustang, est la plus profonde du monde : de la rivière, on aperçoit les Nilgiris des pieds au sommet, soit plus de 5500m… Petite précision : on ne voit l’Annapurna I (8016m) que depuis le trek du sanctuaire des Annapurnas. Pas sur le tour des Annapurnas donc.

tour des Annapurnas, Annapurnas II depuis Ghyaru
Annapurnas II (7937m) depuis Ghyaru (3670m)

– Les gens. Le contact avec les locaux est toujours assez compliqué. Le trekkeur n’est jamais qu’un touriste comme les autres. Les enfants on très vite appris à hurler « Namaste , SWEEEEEETS ! », même dans les petits villages. Il est absolument impossible de passer devant un restaurant ou un lodge sans être alpagué « Namaste, please have lunch, have a rest, very good food, good facilities! » Et on passe devant beaucoup de lodges je peux vous dire… Enfin les villageois tibétains sont plutôt timides, voire carrément craintifs, ne parlent pas un mot d’anglais, et vous accueillent souvent avec une onomatopée ou un crachât (qui n’est pas forcément un manque de respect, le népalais crache partout et tout le temps). Néanmoins, ce premier contact bourru ou mercantile franchi, on arrive à avoir un contact humain intéressant, et parfois même suffisamment profond pour apprendre des petits détails sur la culture locale.

tour des Annapurnas, Petit nenfant tibétain, Somar
Petit nenfant tibétain, Somar (4010m)

– La nourriture. Sur le tour des Annapurnas, quelque soit les villages, on mange partout très bien. Bien sur le plat traditionnel est le Dal Bhat (soupe de lentille (dal) accompagné de riz (Bhat), d’un curry de pommes de terres, de petits légumes cuits et de pickles). Le porteur, par exemple, en consomme 3 fois par jour. Mais les restaurants n’hésitent pas non plus à proposer soupes, noodles, pâtes, lasagnes, currys, momos (équivalent à des dim sun chinois), pizzas, et parfois même des burritos, des burgers ou des shakshukas (plat israélien). Tous avec plusieurs préparations possibles. La plupart des restaurants affichent également de très élégants desserts à base de pommes (cultivées dans la vallée) : Apple crumble, Apple pie, Apple muffin. Il y a même des « German Bakery » qui disposent de gâteaux briochés de toutes sortes, des cookies et même des croissants (n’ont pas froids aux yeux…).

tour des Annapurnas Apple Crumble, Marpha
Apple Crumble, Marpha

– La musique. Non, je plaisante, la musique népalaise est toute pourrie 🙂 Elle se résume en général à de la musique folklorique, ou à d’infâmes ballades romantiques dépressives. Cherchez nepali music sur YouTube, et voyez vous même (Anju Pant, Krishna Samip Subedi,…). Constatez un peu le manque affligeant de budget et cette volonté irrépressible de rester aux années kitsch.

On fait aussi des rencontres intéressantes sur le tour des Annapurnas. Certes, tout le monde n’a pas l' »esprit montagne », et j’ai croisé des gens 10 fois sans même recevoir un bonjour (et ce n’était même pas des français !), mais de manière générale il y a un bon esprit, et c’est agréable de retrouver les compagnons de route de la veille dans le même village ou le même lodge. Il est également aisé de les perdre aussi. Il y des villages environs toutes les heures, avec dans tous des moyens à peu près équivalent pour se loger. La motivation pour marcher 1h de plus ou 1h plus vite est assez vite trouvée, et si vous ne voulez pas perdre vos petits amis, autant s’assurer la veille que tout le monde s’arrête au même endroit. Perso, il m’est arrivé de raccourcir certaines étapes pour justement retrouver un groupe ou 2.

Enfin parlons de l’altitude. L’acclimatation ne veut pas simplement dire s’habituer aux maux de têtes. Il s’agit d’habituer son corps au manque d’oxygène et à la baisse de pression. Le plus gênant est l’effort que chaque pas requiert au delà de 3500m. Vous êtes bien acclimaté lorsque monter les marches ne vous demande pas de reprendre votre respiration. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’on arrive à cette altitude. A 5000+m, chaque pas est éprouvant. On n’est même plus essoufflé, on est asphyxié. Bien sur c’est pire si l’on est chargé. Le cœur bat la chamade, on s’épuise en moins de 30 pas. Même quand c’est plat… Pour infos, les expéditions sur l’Everest prévoient au minimum 4 semaines d’acclimatation au camp de base (5535m), avant de rejoindre le camp supérieur.

Le retour en bus a Pokhara est folklorique. 70km, 3 bus, 40km de piste, 12h. Pas de poules, mais de bus trop chargés, trop petit, assis sur des sacs de riz, de la musique criarde dans des enceintes cassées, des gens qui s’affalent sur toi, bref du bonheur à l’état brut 🙂

Pokhara est au Nepal ce que Chiang Mai est à la Thaïlande : à la fois un hub touristique d’activités dans les montagnes (trek, parapente, rafting, kayak,…), un cœur historique (tout petit), et une mine de boutiques de trucs et de machins attrape-touristes (écharpes, bibelots tibétains, fringues, thampkas, bijoux, contrefaçons de vêtement de trekking,…)

Depuis Pokhara, la chaîne des Annapurnas forme une immense toile de fond panoramique. Enfin seulement lorsque le ciel est dégagé. C’est à dire pas aujourd’hui 🙁

A la une de tous les journaux, les pertes humaines sur le tour des Annapurnas, et notamment sur le col de Thorung La, liées au blizzard et chutes de neiges de ces derniers jours, conséquences tardive du cyclone Hudhud indien. 140 personnes manquent à l’appel… Je suis passé par là quelques jours plus tôt. Comme quoi, il suffit de peu de chose…

Retour à Katmandou par la « Highway » ! En fait il s’agit de l’unique route empruntée entre ces 2 villes, mais on est loin de l’autoroute a l’occidentale. Comparez plutôt à une départementale. Les paysages que l’on traverse sont fabuleux, mélange de forêts tropicales et de rizières, découpées par de petites rivières.

Quelques jour de repos, et je prend la route de Lukla et du camp de base de l’Everest. Avec un porteur cette fois.

tour des Annapurnas Lac de Pokhara
Lac de Pokhara. A droite le Machhapuchare, ou Fish Tail (6997m)

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post last modified:30 mars 2020

Cet article a 2 commentaires

  1. MarieF

    Trop de chance y’a plein de boutiques!!! 🙂

    1. Raphael K.

      Je suis comme un ouf ! Je vais en ramener des merdes oh la la… 😉

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