Les terres désolée et arides du Changtang s’étendent au delà du Ladakh, vers les plateaux infini du Tibet. Cette région abrite une population de nomades, les Changtangpas, qui migrent avec leurs troupeaux d’une vallée à l’autre. Nous les avons rencontré au camp de Rachung Karu, entre les lacs Tso Kar et Tso Moriri, au terme d’un trek extraordinaire. Voici le récit de cette aventure.

Cet article est un carnet de voyage du trek jusqu’au Tso Moriri. Pour des infos pour organiser votre trek, c’est par ici 🙂

Sommaire de cet article :

  1. Tso Moriri Jour 1 – Leh au Camp de Pangunagu (4530m)
  2. Tso Moriri Jour 2 – Pangunagu (4530m) > Nuruchan (4570m)
  3. Tso Moriri Jour 3 – Nuruchan à Rachung Karu via Harlam La (4930m)
  4. Tso Moriri Jour 4 – Rachung Karu à Gyama via Kyamayuri La (5450m) et Gyama La (5380m)
  5. Tso Moriri Jour 5 – Gyama à Karzok via Yalung Nyau La (5440m)
  6. Bilan de ce trek de 5 jours
  7. Budget et infos pratiques

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Tso Moriri Jour 1 – Leh au Camp de Pangunagu (4530m)

7h de route

Au terme d’une longue chevauchée en 4×4, et le franchissement du col de Tanglang La, seconde route la plus haute du monde (5359m tout de même), nous arrivons au campement de Pangunagu, sur les rives du lac Tso Kar, au cœur du Changtang. Sur ces plateaux arides, protégés de la mousson par de hauts sommets enneigés, le ciel d’un bleu pur contraste avec l’ocre des montagnes. Un vent fort et continu soulève des nuages de poussière.

Changtang, Vue sur le lac Tso Kar, Camp de Pangunagu, 4580m
Vue sur le lac Tso Kar, Camp de Pangunagu, 4580m
Changtang, Kyangs, Lac Tso Kar, 4500m
Kyangs, Lac Tso Kar, 4500m

Nous installons le bivouac. Le guide, avec le cuisinier, montent la tente-cuisine.

Les rives du lac, encore à quelques kilomètres, sont peuplées par plusieurs groupes d’ânes sauvages, ou Kyangs, originaires des plateaux tibétains, des pikas, et quelques oiseaux,

18h, le froid devient plus agressif. Nous nous réfugions dans la la tente-resto. Angélique goûte à son premier Dhal Bat, riz-lentille et légumes peu épicés, avec curiosité et appétit.

19h. La température descend à 0°C. Le muletier arrive, mais tout seul, sans ses chevaux, partis brouter en liberté dans les alentours. Il faudra attendre le matin pour qu’il les retrouve tous.

 Nous sommes le 9 septembre. L’hiver sera là dans une semaine.

Changtang, Camp de Pangunagu, 4580m
Camp de Pangunagu, 4580m

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Tso Moriri Jour 2 – Pangunagu (4530m) > Nuruchan (4570m)

+100m, 4h30 de marche

 Nous suivons les rives blanches du lac Tso Kar sous un ciel azur. Le lac n’est plus alimenté que par de petits glaciers, qui ne sont plus suffisant aujourd’hui pour maintenir le niveau du lac, qui s’assèche petit à petit, en cette saison. De petites larves d’insectes rougeâtres s’agitent dans l’eau saumâtre et glacée du lac. Les montagnes enneigées se reflètent dans l’eau miroitante. La scène est enchanteresse.

Changtang, Lac Tso Kar, 4500m
Lac Tso Kar, 4500m
Changtang, Lac Tso Kar, 4500m
Lac Tso Kar, 4500m

Il nous faudra plus d’une heure pour contourner le lac par l’ouest, avant de remonter le cours d’un ruisseau vers Nuruchan. Quelques maisons nomades changtangpas abandonnées jalonnent un sentier monotone, ainsi que quelques chortens et murs de prières.

Changtang, Mur de prières, vers Nuruchan
Mur de prières, vers Nuruchan
Changtang, Sentier vers Nuruchan (4570m)
Sentier vers Nuruchan (4570m)

Nous atteignons Nuruchan vers 14h. En fait de site, il s’agit simplement d’une étendue herbeuse à côté d’un ruisseau. Aucun campement, aucune infrastructure. Le sentier vers le col de Harlam La se dresse droit devant nous, mais cela attendra demain. En attendant, nous profitons d’un peu de repos dans l’étendue sauvage de cette vallée perdue du Changtang.

Changtang, Camp de Nuruchan (4570m)
Camp de Nuruchan (4570m)
Changtang, Camp de Nuruchan (4570m)
Camp de Nuruchan (4570m)
Camp de Nuruchan (4570m)

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Tso Moriri Jour 3 – Nuruchan à Rachung Karu via Harlam La (4930m)

+ 350m -90m,  3h45 de marche

Nous levons le camp de Nuruchan pour nous engager sur le col de Harlam La. Le chemin semble long mais peu ardu. Une gageure. C’est sans compter l’absence d’acclimatation, l’altitude et l’effort constant requis pour gravir ces quelques centaines de mètre de dénivelé.

Nous atteignons le col, marqué par quelques drapeaux, en un peu moins d’une heure et demi. Il souffle des bourrasques de vent d’un froid glacial. On ne traîne pas. La descente est rapide, et nous fait découvrir une petite rivière, que traverse un troupeau de chèvres pashminas, menées par un berger nomade. Les rives, recouvertes de pâturage, sont l’occasion d’une pause déjeuner.

Changtang, Vers le col de Harlam La (4900m)
Vers le col de Harlam La (4900m)
Col de Harlam La (4900m)
Col de Harlam La (4900m)
Chèvres, vers Rachung Karu
Chèvres, vers Rachung Karu

Le sentier remonte ensuite légèrement, jusqu’au campement de nomade de Rachung Karu, occupé par une vingtaine de familles nomades.

Installés simplement dans de grandes tentes ouverte au point le plus haut, ils vivent simplement, en acceptant un confort sommaire. Les troupeaux ne sont pas encore tous redescendu des montagnes environnantes. Des centaines de yaks, chèvres et moutons arriveront au soir, guidés par quelques bergers. Pas de chevaux, le ravitaillement s’effectue en pickup. Moins authentique, mais bon, le Changtang n’est plus au Moyen Age.

Changtang, Camp nomade de Rachung Karu (4850m)
Camp nomade de Rachung Karu (4850m)

Prenant conscience de notre installation, nous sommes invités à prendre le thé dans un des tentes de nomades. Le fameux thé salé au beurre rance de yak. Au goût, tout sauf un thé. Pas immonde, mais tellement particulier que l’on assimilerait cela à une soupe. Dans la tente, deux hommes sont en train d’assouplir des peaux d’agneaux, pendant que les femmes filent de la laine en nous observant avec un sourire partiellement édenté.

L’espace d’un instant, le temps s’est arrêté. L’hospitalité de ces gens, confrontés à la rudesse de leur mode de vie et du climat, qui nous regardent en souriant, sans comprendre un mot de ce que nous racontons, et dont le quotidien, les préoccupations et les croyances sont à mille lieux des nôtres, nous fait prendre le recul dont nous avons besoin. Il commence a faire frais. Nous tirons une révérence polie, puis nous sortons.

Femme nomade Changtangpa, village de nomade de Rachung Karu (4850m)

Nous passons cette nuit au dessus de l’altitude du Mont Blanc, et nous ne redescendrons sous les 4800m que dans deux jours. La pression d’air au campement avoisine les 490 HPa, soit moins de la moitié de la pression atmosphérique au niveau de la mer. Le souffle est donc court, même à l’arrêt, et la raréfaction de l’oxygène a des effet inattendus et inquiétants : le visage d’Angélique a gonflé (après analyse, il s’agit d’un oedème localisé de haute altitude, ou OLHA, rien de grave).

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Tso Moriri Jour 4 – Rachung Karu à Gyama

via Kyamayuri La (5450m) et Gyama La (5380m)

+900m -600m, 6h de marche

Le nez hors du duvet, froid, m’indique que la nuit a été fraîche. Très fraîche même. Dehors, le soleil commence à éclairer le sol gelé par la nuit glaciale. Tenzin nous apporte un thé bouillant, bienvenu pour motiver à sortir de la tente. Droit devant, le premier col de la journée, 500m plus haut. D’ici, il semble accessible. Sur le papier, moins : 5470m. Plus haut que le camp de base de l’Everest. Et pourtant, il n’y a pas un gramme de neige. Certains sommets sont recouverts d’un chapeau de neige, mais il dépassent les 6000m.

Col de Kyamaru La (547m) et vue sur le camp nomade de Rachung Karu (4850m)
Col de Kyamaru La (5470m) et vue sur le camp nomade de Rachung Karu (4850m)

Nous démarrons l’ascension par le fond de la vallée. En 2h15, nous atteignons le premier col de la journée, le plus haut et le plus difficile. Au loin, le campement de Rachung Karu semble perdu dans une immensité homogène et monotone. L’ascension, graduelle et progressive, s’accentue sur la fin pour terminer sur un passage court mais brutal. Un berger nomade nous rejoint bien vite, précédé d’un troupeau de plusieurs centaines de chèvres.

On redescend. Le sentier traverse alors une immense vallée se perdant au loin, parcourue par un petit ruisseau encaissé. Sur ses rives, le vert tendre des pâturages tranche avec l’ocre des plateaux.

Et paisiblement, des yaks. Des centaines de yaks broutant l’herbe fraîche et rase de cette plaine du Changtang accrochée à plus de 5000m d’altitude. Au loin, très loin même, plusieurs groupes de bergers surveillent leurs bêtes, les yaks présents ici rassemblant plusieurs troupeaux.

Changtang, Vallée perdue, entre les cols de Kyamaru La et Gyama La (5200m)
Vallée perdue, entre les cols de Kyamaru La et Gyama La (vers 5200m)
Vallée perdue, entre les cols de Kyamaru La et Gyama La (5200m)
Vallée perdue, entre les cols de Kyamaru La et Gyama La (vers 5200m)

Nous nous arrêtons pour la pause déjeuner en compagnie des yaks. Pas trop près. Nous gravissons à nouveau à flanc de montagne pour rejoindre un nouveau col. Avec toujours un regard sur cette vallée, cette vallée insensée où il n’était pas possible d’imaginer un spectacle aussi ahurissant, aussi grandiose, aussi unique.

Plus court, mais également plus raide, que le premier col et déjà 4 heures de marche dans les pattes, ce second col nous pose quelques difficultés. 12h30, nous franchissons ce dernier col, pour rejoindre une nouvelle vallée, encore plus éloignée de la civilisation que les précédentes. Aucune présence sédentaire ne vient troubler l’installation. A presque 5200m d’altitude, cela peut se comprendre.

Descente vers Gyama Gompa (5150m)
Descente vers Gyama Gompa (5190m)
Changtang, Camp de Gyama Gompa (5150m)
Camp de Gyama Gompa (5150m)

 

Le campement est installé sur les rives d’une rivière à sec en cette saison. Très encaissée, le soleil décroit une heure plus vite que d’habitude. Il fait nuit à 18h, et un froid cinglant, alimenté par un vent persistant. On se calfeutre sous la tente, dans la chaleur réconfortante du sac de couchage…

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Tso Moriri Jour 5 – Gyama à Karzok

via Yalung Nyau La (5440m)

+300m -750m, 6h de marche

Au petit matin, l’intérieur de la tente est entièrement recouvert de givre. Le moindre mouvement provoque une petite chute de neige. Effets conjoints du froid et de la condensation.

7h10, le soleil atteint enfin la tente, et le froid s’estompe peu à peu.

L’ascension du col de Yalung Nyau La (5440m) est douce, mais semble interminable. Nous atteignons les petits drapeaux après 2h30 d’effort. La vue sur le lac Tso Moriri, d’un bleu profond, est à la hauteur de ce que nous attendions : à couper le souffle. Au loin, les montagnes du Tibet aux sommets enneigés dessinent un horizon parfait autour du lac immense, offrant un contraste de couleurs saisissant.

Col de Yalung Nyau La (5430m)
Col de Yalung Nyau La (5440m), avant de redescendre sur le lac Tso Moriri
Col de Yalung Karpo La (5430m) et vue sur le lac Tso Moriri (4500m)
Col de Yalung Nyau La (5440m) et vue sur le lac Tso Moriri (4500m)

La descente est abrupte mais rapide et sans grade difficulté. Il reste à traverser une immense plaine, avant de rejoindre les gorges de Karzok. Des dizaines de tentes, installées à flanc de montagne avec ânes, chèvres et chevaux, indiquent que les nomades ont déjà quittés les plateaux lointains pour rejoindre les vallées, plus hospitalières.

Enfin, après 6h de marche, nous arrivons au campement de Karzok, but ultime de notre voyage, qui concluent 4 jours de marche au Changtang, 4 jours à traverser des paysages uniques à des altitudes incroyables, 4 jours à la rencontre des nomades changtangpas, dans leur environnement quotidien. 4 jours éreintant mais sublimes.

Nous passons alors une dernière nuit en tente, avant de rejoindre Leh le lendemain.

Changtang, Vue sur le lac Kyagar Tso (4500m)

Tso Moriri, Vue sur le lac Kyagar Tso (4500m)

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Bilan de ce trek de 5 jours

Ce qu’on a aimé

  • Les paysages à perte de vue. Le Changtang est une terre infinie, qui se perd su l’horizon. Les doux reliefs ne sont arrêtés que part les lointains sommets de l’Himalaya. Derrières les vallées, une autre vallée, puis une autre vallée, puis une autre vallée…
  • La liberté. Suivre les quelques sentiers empruntés par les nomades est la solution la plus sûre, mais ce n’est pas la seule. Nous sommes en autonomie totale, toutes les directions sont possibles. Il suffit de la pointer du doigt.
  • La rencontre avec les nomades. Un moment exceptionnel, celui de la rencontre avec les nomades changtangpa, près du Tso Moriri. Quelques instant échangés, une tasse de thé au beurre rance partagée et beaucoup d’émotion.

Ce qu’on a moins aimé

  • La douceur des reliefs. Les cols sont long à gravir et les sommets arrondis. Le Changtang est un territoire de plateaux et de fait peu accidenté. Le challenge de la progression tient à l’altitude extrême tout au long du trek.
  • L’arrivée à Karzok. Difficile de s’exprimer sur Karzok, capitale des changtangpas. Hors des routes de l’Inde, Karzok est une fin d’étape. A moitié abandonné l’hiver en raison du froid glacial qui y règne, son principal attrait réside dans la vue imprenable sur l’immense lac Tso Moriri en contrebas.

Ce qu’on aurait pu faire mieux

  • Faire le tour du lac. Le lac Tso Moriri est un lac magnifique, d’une extrême pureté. Mais sur ses rives battues par les vents, il est finalement assez difficile d’en apprécier pleinement la beauté. Prendre un peu de hauteur et de recul sur la rive opposée à Karzok est une option intéressante.
  • Partir en autonomie. C’était la première fois qu’Angélique partait en trek sur plusieurs jours, et entre la très haute altitude et le bivouac sauvage, il nous semblait judicieux de partir avec un peu d’accompagnement, plutôt que de partir en autonomie complète. Aujourd’hui, avec l’expérience, réaliser ce trek en autonomie complète aurait été encore plus fort en émotion. Etant donné le niveau d’éloignement de cette région, je ne conseillerai pas de réaliser ce trek solo sans être aguerri ou avoir déjà réaliser un premier voyage au Ladakh.

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Budget et infos pratiques

Comment rejoindre le départ du trek ?

Pour rejoindre Rumtse ou le lac Tso Kar, il est nécessaire de prendre un taxi depuis Leh.

Si vous partez avec un guide, il peut le réserver pour vous 2.

Si vous partez avec une agence locale, le prix du taxi sera compris dans le tarif.

  • Le trajet Leh – Rumtse revient à environ 5000 Rs (60€)
  • Le trajet Leh – Tso Kar revient à environ 8000 Rs (100€) pour 6h de trajet
  • Le trajet Karzok – Leh coûte environ 10000 RS (130€) pour 8/10h de trajet

Si vous voyagez à 2, le prix est à par taxi et non par personne.

Le tarif des taxis est reglementé et disponible ici

 

Quel budget ?

Pour ce trek, nous étion parti avec l’agence locale francophone Skywalker, à Leh, que l’on vous recommande chaudement. On vous en parle ici.

Le trek nous a coûté 90€ par jour et par personne, comprenant :

  • Les trajet en taxi (230€)
  • le guide (130€)
  • Un chef cuisinier
  • Une muletier et ses mules
  • Tout l’équipement et la nourriture pour tout le monde

Si vous partez en autonomie, ce qui est tout à fait envisageable, il faut compter juste les frais de taxis et un peu de monnaie pour la route.

 

Sac et liste de matériel :

Pour ce trek jusqu’au lac Tso Moriri , bien que nous soyons parti avec une agence, nous avions tout notre matériel de bivouac.

Nous sommes partis chacun avec des sacs de 12 kg comprenant :

  • Tente, matelas, oreiller
  • Sac de couchage -10°C
  • Haut et bas thermique
  • lot de 3 sous-vêtements (boxer + chaussettes)
  • 1 t-shirt merino
  • Une paire de grosses chaussettes
  • doudoune
  • bonnet
  • écharpe
  • paire de gants
  • Frontale
  • Couteau
  • Hygiène : PQ, sac poubelle, brosse à dent, dentifrice, 1 savon
  • Quelques barres céréales
  • Sur nous : 2 bâtons de rando, polaire, chaussures de haute randonnée

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  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post last modified:30 mars 2020

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