Il est 19h. Il fait nuit, et pas plus de 5 ou 6°C. Namche Bazaar, capitale de la région des sherpas, est plongée dans un brouillard épais. Je fume ma première cigarette après 35 jours. 3 bouffées et la fugace sensation du symptomatique vertige se déclare. Dehors, seul le bruit de cloches des yaks se promenant dans la ville percent le silence.
Cela fait presque 70 jours que je suis au Népal. Sans doute le voyage le plus extraordinaire que j’ai pu réaliser. Au cours de mes pérégrinations, j’ai croisé tous les profils, des types qui marchaient pour la première fois, des couples en voyage de noces, des retraités en voyage humanitaire, des hommes libres, sans femme ni travail, des aventuriers solitaires partis pour des périples de 3 mois, 6 mois, 1 an. De tous les âges, de tous les pays. Pas forcément des gens hors du commun, mais les retrouvailles inattendues, les soirées a décrire nos étapes, nos craintes, devant le poêle fumant la crotte de yak séchées et le kérosène, les moments que nous avons partagés ont rendu ces rencontres hors du commun, uniques, exceptionnelles.
Sur ces 70 jours, j’ai vu tant de paysages sublimes qui ne rentrent dans le cadre d’aucun appareil photo, passé tant de journées inoubliables, vécu des festivals, rencontré des moines tibétains, des écoles de peintures, assisté à des officines dans des monastères en pleine montagne, souffert du froid, de l’altitude, de la faim, de l’effort…
A l’intérieur du lodge de Namche Bazaar, les porteurs et guides népalais sont rassemblés dans la cuisine, alors que nous autres étrangers sont dans la salle à manger, séparés par une barrière tangible mais néanmoins infranchissable. Pourtant, cette barrière a été franchie tant de fois, j’ai appris à parler quelques mots de népalais, à gagner à leurs jeux de cartes, partagé le quotidien d’une famille hindoue, cherché à comprendre l’état d’esprit des gens, leurs objectifs de vie, leurs espoirs, leurs craintes, à travers parfois de difficiles échanges car le népalais n’est pas quelqu’un qui se livre facilement…
On ne raconte pas le Népal, on le vit. Cette vaine tentative espère simplement vous retranscrire quelques émotions, quelques impressions glanées au fil de ces jours, et de ces soirées parfois vives, parfois contemplatives…
Le trek en lui-même, s’il permet de découvrir des lieux magiques, fournit également l’occasion de s’imprégner d’un style de vie unique, qui persiste justement ici, au Népal, depuis des centaines d’années, au pied de géants hors d’atteinte par le commun des mortels, mais qui restent dans l’imaginaire, la fascination. Mais les temps ont changé, le Népal n’est plus l’eldorado des hippies des années 60. Les boutiques de souvenirs et de matériel de trekking sont omniprésentes, les routes se construisent, le wifi se généralise, le mercantilisme bat son plein, même ici à Namche Bazaar, dans les endroits les plus reculés… Bientôt il sera possible de faire le trek du camp de base de l’Everest en hotel 5*. Mais le Népal n’a pas perdu son âme, et il suffit de s’enfoncer dans la montagne et de s’éloigner des sentiers battus pour s’en apercevoir.
Alors un trek ou deux ne sont certainement pas suffisant pour s’immerger dans toute la complexité de la culture de ce pays, mais ils fournissent l’occasion de s’émerveiller à chaque instant de la beauté inouï de ce décor, de s’imprégner des coutumes locales, de faire connaissance avec le quotidien des peuples de l’Himalaya…
Je suis à Namche Bazaar, a 3450m d’altitude. Il fait nuit. Bientôt je serai de retour dans l’enfer de poussière et de bruits de Katmandou, un autre monde, un autre univers, mais toujours un même Népal.
Ce n’est pas la dernière fois que je m’approcherai de ces montagnes, ce n’était que la première…
très beau récit, t’écris vach’ment bien raph!
C’est qui le barbu sur ta photo ?
Tu le ramènes aussi en France ?
Je fais comme les yaks, c’est pour supporter le froid. Bon au début ça sent et ça gratte un peu, mais à force, on fini par s’habituer.