Au départ, j’avais pensé à ne composer le portfolio de Sucre que de prises de vue où le blanc prédominerait, afin de retranscrire l’impression de blancheur que l’on ressent lorsque l’on vagabonde dans la ville. Si ce sentiment persiste au fur et à mesure que l’on approfondit notre connaissance des quartiers de Sucre, il ne rendrait cependant pas hommage au foisonnement de couleurs des marchés, des costumes et surtout des tissus indigènes de la région, notamment dans le cratère de Maragua, reconnus comme les plus beaux tissus d’Amérique latine.
Tissus indiens
C’est donc sur ces tissus que je vais commencer ce billet. Les différentes ethnies indiennes de la région de Sucre, notamment les indiens Tinguipaya, Tarabuco et Jalq’a, ont développé un savoir-faire dans la fabrication de tissus, qui s’est transmis et amélioré de générations en générations depuis plus de cinq siècles. Les hommes, partis travailler dans la région, notamment dans les mines de Potosi, ont laissé femmes et enfant seuls dans les villages, qui ont petit à petit appris le métier du tissage. Il en résulte aujourd’hui des pallays (grands tissus décoratifs) d’une beauté incroyable, dont le soucis de représentation mélange vie quotidienne, légendes et croyances ancestrales, dans un style propre à chaque ethnie. Si certains tissus atteignent des prix élevés (jusqu’à 300€), c’est parce que fabriquer un pallay de 50x100cm demande 3 mois de travail à une tisserande.
Cratère de Maragua
Le synclinal de Maragua, qui n’est absolument pas un cratère, ou encore moins le résultat de la chute d’une météorite, abrite le village de Maragua, habité par les indiens jalq’as. Au coeur du synclinal, les collines environnantes dessinent comme des pétales bariolés dont le village constituerait le centre. Isolé du monde, les jalq’as représentent dans leurs tissus l’ukhu pacha, un monde sacré des profondeurs, peuplés de créatures extraordinaires, les khurus, en n’utilisant, aujourd’hui, que les couleurs rouges et noires.
On accède aux villages jalq’as (Potolo, Chaunaca, Maragua, Quila Quila) en quittant la route principale une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Sucre. On descend ensuite jusqu’à Chaunaca par un chemin inca (2h de marche), plutôt facile, qui offre des panoramas magnifiques sur la vallée. La piste continue jusqu’à Potolo, ou bifurque pour entrer dans le synclinal et atteindre Maragua. C’est plutôt galère de la faire seul, les colectivos sont quasi inexistants, et les chemins ne sont absolument pas balisés. Toutes les agences de Sucre proposent des tours de 1 à 4 jours, mais plus de jours ne veut pas dire plus de temps passé dans les villages. A gérer suivant son temps et son budget.
Sucre
Ancienne capitale du Pérou (en ce temps là c’était le Pérou) jusqu’en 1776, et Patrimoine Mondial UNESCO, Sucre est sans doute la ville la plus agréable de Bolivie. Blanche comme le sucre d’où elle ne tire pas du tout son nom (la ville a pris le nom de Sucre en 1825, baptisée en l’honneur du maréchal Sucre, camarade du libérateur Simon Bolivar), Sucre a hébergé pendant plus de 3 siècles toute la haute administration espagnole et de riches propriétaires. L’architecture de la ville a conservé ses rues perpendiculaires bordées de larges demeures coloniales, ses balcons en bois sculptés et ses églises baroques. Alors on déambule avec plaisir dans Sucre, l’œil averti à la recherche de quelque bon resto, on flâne dans les musées (les Museo del Tesoro, sur la place 25 de Mayo et le Museo de Arte Indigena ASUR sont juste incontournables) et on se plaît à prendre son petit déjeuner dans quelque demeure coloniale reconvertie en hôtel.
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Sucre sur la liste du Patrimoine Mondial Unesco
Lien sur l’Association ASUR, Association de promotion et de valorisation des tisserandes indiennes de Bolivie (anglais & espagnol) : ASUR